Deux sélections ! Désormais, les professeur·e·s de collège et de lycée travailleront sur deux sélections distinctes, paritaires et composées de quatre œuvres chacune. Cette première double sélection des SuperPhoniques annonce la couleur : jeune, curieuse, ludique et audacieuse !
Au collège, on plonge dans l’univers du rêve et de l’imaginaire, on croise des créatures étranges, des mécaniques folles, des gravures qui prennent vie et on s’aventure dans des cultures étrangères tout en s’amusant avec le temps – d'ailleurs deux œuvres y font explicitement référence ! Entre énergie et contemplation, elles invitent à écouter, dans le quotidien, ces sons étranges qu’on n’entend trop peu mais qui nous font toujours un petit quelque chose.
Au lycée, on explore les frontières et les relations entre les époques, les formes, les langages et les répertoires. On interroge l’héritage : que nous reste-t-il des sons d’hier et de ceux qu’on n’entend plus ? Mais aussi l’hypermodernité : la machine est-elle un atout ou une menace pour l’être humain ? La technologie est-elle au service de l’art, ou l’inverse ? Entre ode au vivant et hommage aux défunt·e·s, les œuvres en lice invitent à une réflexion sensible, intime et métaphysique.
L'équipe des SuperPhoniques
Le Comité de sélection des SuperPhoniques 2024 s’est réuni le jeudi 7 septembre 2023 dans les locaux de la Maison de la Musique Contemporaine. Il était composé de :
Textes d'Adèle Aschehoug
Œuvre sélectionnée : 39, pour ensemble et électronique
Durée : 8'02
Année de composition : 2021
Création : 11 février 2022 à la Maison de la Radio et de la Musique - Paris, Festival Présences 2022
Commanditaire : Orchestre National de Jazz
Enregistrement : BAUER STUDIOS - Ludwigsburg, Deutschland
Interprètes de l’enregistrement : Orchestre National de Jazz
Partition : Inédite
Diffusion : Soundcloud - ONJ Records
39 fait partie du projet Ex Machina qui associe les plus récents développements de la MAO (Musique Assisté par Ordinateur) à un ensemble de jazz. Cette œuvre a été écrite avec l'aide d'un programme d'intelligence artificielle au service de la création musicale.
Grâce à l'électronique, l'ensemble se métamorphose en un orchestre de jazz augmenté. Le dispositif électronique comprend deux types d'éléments distincts : ceux pré-générés par le programme et déclenchés en live ; et ceux créés en temps réel qui réagissent en direct à ce que jouent les musicien·ne·s. Cette création électronique en temps réel intervient notamment pendant le solo improvisé de saxophone et fait entendre une « extension rythmique non-humaine » qui s'ajoute à l'improvisation. Ce solo, ainsi que celui de la contrebasse qui apparaît avant, sont inspirés de la musique spectrale, une technique de composition apparue à la fin du XXème siècle qui se base sur les harmoniques, c’est-à-dire les différentes notes présentes à l’intérieur d’une seule note.
Cette œuvre est basée sur un motif rythmique qui oscille entre différentes métriques irrégulières, et produit un effet d'instabilité, de décalage. La composition de cet orchestre de jazz est originale par son instrumentation, notamment par l'utilisation de deux vibraphones accordés au quart de ton l'un de l'autre - l'un à 442 Hz, l'autre à 445 Hz – donnant une couleur harmonique particulière à cet orchestre lorsque les deux instruments jouent ensemble.
Ce projet de composition assisté par une Intelligence Artificielle est innovant et apporte, en plus de sonorités singulières, une nouvelle conception de la composition musicale.
Né à Harfleur, Frédéric Maurin est compositeur, chef d’orchestre et guitariste. Dès l’adolescence, il pratique la guitare électrique en autodidacte et joue dans des groupes de rock avant de découvrir le jazz puis la musique du XXème siècle.
Après des études d’ingénieur et de sciences de la vie et de la terre, il s’oriente pleinement vers la musique. Il suit la classe d’écriture du Conservatoire du VIème arrondissement de Paris, puis obtient un DEM (diplôme d’études musicales) en jazz, délivré conjointement par le Conservatoire de Bourg-La-Reine/Sceaux et l’EDIM (Ecole associative de musiques actuelles). Il complète son parcours par l’informatique musicale à l’Ircam.
Bercé par le rock des années 70 (les Beatles, Jimi Hendrix, Pink Floyd, King Crimson et Frank Zappa), ses influences vont d’Igor Stravinsky et György Ligeti aux spectraux comme Gérard Grisey et Tristan Murail. Il est aussi marqué par les grands compositeurs de jazz comme Steve Coleman ou Charles Mingus et par les musiques métal de Meshuggah, Slayer ou encore Sunn O))).
Tout en questionnant le langage musical, mais aussi les formes employées habituellement dans le jazz et les musiques improvisées, Frédéric Maurin propose une musique cohérente et passionnée, ne se fixant aucune limite dans ses recherches et pensant toujours à l’émotion et au plaisir des auditeur·rice·s.
Avec l’apport de l’électronique et l’utilisation de logiciels musicaux, il ouvre les possibilités timbrales de l’orchestre et développe des interactions en temps réel entre instrumentistes et machines.
Chef d’orchestre, Frédéric Maurin crée et dirige le groupe Ping Machine, ensemble de quinze interprètes, dont il compose le répertoire, avant de prendre la direction artistique de Orchestre national de jazz en 2018.
Œuvre sélectionnée : Sheng, pour six voix de femmes a capella
Durée : 5'
Année de composition : 2017
Création : 8 juillet 2017 dans l'Église des Blancs-Manteaux, Paris
Commanditaire : Gabriel Bourgoin
Enregistrement : 2021
Interprètes de l’enregistrement : Choeur Dulci Jubilo, sous la direction de Christopher Gibert
Partition : Éditions Musicales Artchipel
Diffusion : Label Anima Nostra (CD AN0005 Sheng ℗ Anima Nostra)
Cette œuvre pour six voix de femmes n'est pas écrite sur un texte mais sur un seul mot qui donne son titre à l'œuvre et qui signifie « la voix », « le son » en chinois.
Cette pièce vocale, saisissante par son univers sonore tournoyant et mystérieux, est construite à partir de l'écriture de l'idéogramme du mot Sheng. Le compositeur crée un parallèle entre le trait et le son, et toute l'écriture de sa pièce en découle : la forme, la structure, les harmonies, les hauteurs, les sons prononcés par les chanteuses, etc.
Grégoire Rolland choisit de diviser tous les sons que contient cette unique syllabe et de briser le couple habituel consonne/voyelle. Le mot est subdivisé en différents phonèmes (ensemble de lettres formant un son) qui sont chantés indépendamment les uns des autres. Le début de la pièce se concentre par exemple uniquement sur « ch ».
Ce traitement particulier de la voix et de la langue se déploie au sein d'une grande stabilité sonore, dans laquelle chacune des voix reste sur des hauteurs fixes et des notes répétées qui donnent un effet profond, presque envoûtant à cette polyphonie. Les différentes voix, qui semblent se chercher, se retrouvent parfois ensemble au même moment sur une harmonie puissante, puis se perdent à nouveau. Parfois, une voix seule ressort de la masse créée par le chœur, et fait entendre une courte mélodie. Ces différentes évolutions de l'ensemble vocal confèrent un effet organique à cette œuvre, comme si le mot essayait de se reconstruire par lui-même.
Né à Boulogne-Billancourt, Grégoire Rolland étudie le piano puis l’orgue et suit également un cursus d’études vocales à la Maîtrise Notre-Dame de Paris. Diplômé d’une licence de musicologie de la Sorbonne, il obtient un master d’orgue et d’écriture au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse (CNSMD) de Paris. Il complète sa formation par un Master de composition à la Haute école de musique de Genève (Suisse).
Grégoire Rolland puise son inspiration dans la nature, dans la musique grégorienne qu’il réinvente en toute liberté, et surtout dans le monde asiatique. Il se passionne ainsi pour la Chine, sa calligraphie, la sonorité de sa langue, sa philosophie et sa mythologie ou encore ses chants traditionnels.
Il travaille sur la relation de la musique avec les autres arts (écriture, peinture, photographie) et s’attache à transformer le visuel en sonore. Il développe notamment une technique de composition qui associe la temporalité de l'écriture des idéogrammes asiatiques et le déploiement de formes musicales inhérentes.
Sa musique incarne son monde intérieur libre et poétique. Elle déploie des couleurs sonores variées et reflète son sens aigu de la construction harmonique et mélodique.
Grégoire Rolland compose pour tout type d’effectif, de l’instrument seul à l’orchestre sans oublier les voix. Organiste titulaire de la cathédrale d’Aix-en-Provence, Grégoire Rolland est aussi professeur de composition, d’orchestration et d’écriture au Conservatoire d’Avignon.
Œuvre sélectionnée : Toucher un souvenir, pour ensemble vocal, violone et orgue positif
Durée : 9'
Année de composition : 2022
Création : 9 octobre 2022 au Heinrich Schütz Musikfest Dresden, Allemagne
Commanditaires : AuditivVokal Dresden, Heinrich Schütz Musikfest
Enregistrement : Deutschlandfunk
Interprètes de l’enregistrement : AuditivVokal
Partition : Inédite
Diffusion : Musik-Panorama, DEUTSCHLANDFUNK (radio allemande)
Écrite pour les 350 ans de la mort du compositeur Heinrich Schütz, cette pièce s'inspire d’un motet (chant religieux à plusieurs voix, parfois avec accompagnement) et plus précisément de Herr, wenn ich nur dich habe, deuxième partie des Musikalische Exequien.
Elle conserve de ce motet le texte ainsi que l'instrumentation pour double chœur, violone (instrument grave à cordes frottées de la famille des violes) et orgue positif (petit orgue utilisé dans la musique religieuse). Le double chœur, typique de la musique de la Renaissance, permet une mise en espace de la musique par la séparation des chanteurs en deux groupes distincts.
Grâce à l'utilisation de différents modes de jeux vocaux comme le chuchotement, les « r » roulés ou les sons de bouche fermée, Séverine Ballon désarticule le texte et gomme son sens, sa signification. Ce qu'elle souhaite représenter à travers ce geste c'est l'idée d'un souvenir qui revient seulement par bribes, à moitié effacé, jamais totalement clair et complet. Bien que le texte ne soit pas compréhensible dans son ensemble, il en reste des traces, et les faire revivre permet de reconstituer non pas l'œuvre de Schütz, mais le souvenir de celle-ci.
Cette polyphonie est principalement construite autour de la note « mi » et de l'intervalle « mi-la » qui s'enrichit au fur et à mesure de la pièce, jusqu'à faire entendre dans l’ordre toutes les notes existantes entre « miv» et « la ».
Séverine Ballon nous emmène dans différentes atmosphères, grâce à des passages doux, calmes et stables qui enchaînent avec d'autres, beaucoup plus denses et fournis, donnant l'impression d'un voyage sous-marin.
Voir la présentation vidéo de Toucher un souvenir par Séverine Ballon
Voir la présentation vidéo de Toucher un souvenir par Cora Joris
Née à Angers, Séverine Ballon étudie le violoncelle à la Hochschule für Musik Hanns Eisler de Berlin et de Lübeck (Allemagne) avec Joseph Schwab et Troels Svane. Elle perfectionne sa technique contemporaine auprès de Siegfried Palm, Pierre Strauch ou encore Rohan de Saram.
Elle décide ensuite de se consacrer à la musique contemporaine, au développement de la technique de son instrument et de sa notation en privilégiant l’échange et le travail avec les compositeur·rice·s. Elle ouvre ainsi les possibilités sonores de son instrument et crée de nombreuses œuvres contemporaines, seule ou en concerto.
Mue par une insatiable curiosité des sons, passionnée par leur modelage, elle commence à improviser comme on tient un journal intime, avant de se tourner vers la composition qu’elle étudie avec Johannes Schöllhorn à la Musikhochschule de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne).
Séverine Ballon voit les sons quand elle les joue. Elle cherche les aspérités, les instabilités et les fragilités inhérentes au son pour les transformer. Elle puise dans la densité de la matière, sculpte le sonore en quête d’un timbre volontairement impur et déploie toute une palette de couleurs et une harmonie originale.
Elle repousse les frontières de l’expressivité du violoncelle et développe le plus loin possible la physicalité du jeu.
Elle compose de la musique pour violoncelle seul, de la musique de chambre ainsi que de la musique pour le cinéma.
En 2023-2024, elle est pensionnaire à la Villa Médicis, Académie de France à Rome.
Œuvre sélectionnée : La vieille horloge, pièce électroacoustique
Durée : 6'45
Année de composition : 2023
Création : 19 mars 2023
Commanditaire : Ministère de la Culture, DRAC Île-de-France
Diffusion : Site de la compositrice
Cette pièce électroacoustique s'inspire des mécanismes d'horlogerie. D'abord écrite dans une version mixte pour harpe, guitare, mandoline et électronique, elle fait ici entendre en plus des sons d'instruments à cordes pincées, des sons mécaniques et répétés, rappelant les engrenages d’une horloge.
Fascinée depuis son enfance par ces différents mécanismes, Cécile Buchet cache en stéréo au sein de sa pièce un ostinato, un balancement ininterrompu évoquant le pendule d'une horloge. Bien que cet ostinato soit présent du début à la fin de la pièce, il est entouré de sons différents qui lui donnent à chaque apparition un caractère nouveau. La compositrice crée un paradoxe entre immobilité et mobilité grâce à cet ostinato régulier et stagnant, qui se place toujours dans un mouvement et des sonorités différentes. L'horloge prend alors vie dans ce mouvement, malgré son pendule régulier.
Dans cette pièce, la compositrice joue sur différentes temporalités, en mêlant des sons qui ont chacun un rythme qui leur est propre. Ces variations de tempo et de vitesse évoquent les engrenages de l'horloge qui peuvent tourner à différentes vitesses.
Enfin, Cécile Buchet glisse une référence narrative en faisant sonner les douze coups de minuit au centre de son œuvre, qui se transforment en treize coups à la fin de la pièce, donnant un côté fantastique et imaginaire à cette horloge.
Voir la présentation vidéo de La vieille horloge par Cécile Buchet
Voir la présentation vidéo de La vieille horloge par Cora Joris
Née à Lille, Cécile Buchet est une harpiste formée aux Conservatoire de Lille et de Bruxelles. Attirée par l’écriture depuis l’adolescence et diplômée d‘un master spécialité "écriture" au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse (CNSMD) de Paris, elle complète sa formation dans les classes de composition au Conservatoire de Boulogne-Billancourt et approfondit la composition électroacoustique au Pôle Supérieur Paris-Boulogne-Billancourt (PSPBB).
Lors de son parcours au CNSMD de Paris, Cécile Buchet a aussi étudié la polyphonie du XVème au XVIIème siècle, le chant grégorien ainsi que le luth, le théorbe et la harpe baroque. Intéressée par la transmission, elle suit également un cursus de formation à l’enseignement musical au CNSMD de Lyon où elle obtient un Certificat d’Aptitude aux fonctions de professeure de musique, spécialité "écriture" ainsi qu’un master de pédagogie.
Cécile Buchet s’inspire de paysages réels ou imaginaires, de phénomènes naturels ainsi que d’émotions et d’impressions suscitées par d’autres disciplines artistiques comme la danse, la littérature et la poésie. Elle conçoit chaque œuvre comme un tableau mouvant, une forme colorée, une entité presque visuelle, un moment découpé dans une réalité parallèle, et qui soit semblable à une fenêtre ouverte sur un univers onirique, poétique ou légendaire.
Elle s’appuie pour cela sur une recherche harmonique élaborée autour de la micro-tonalité et sur des textures sonores qui se renouvellent peu à peu. L’électroacoustique qu’elle inclut dans ses compositions mixtes lui permet d’ajouter des éléments musicaux au-delà des possibilités techniques du jeu instrumental.
Elle compose de la musique pour instrument seul, de la musique de chambre, d’ensemble et d’orchestre ainsi que de la musique électroacoustique.
Œuvre sélectionnée : L'horloger des songes, pour flûte, alto et harpe
Durée : 9'11
Année de composition : 2022
Création : 25 avril 2022 à La Muse en Circuit - Centre National de Création Musicale, Alfortville
Commanditaire : Radio France
Enregistrement : 12 avril 2022 à La Muse en Circuit - Centre National de Création Musicale, Alfortville
Interprètes de l’enregistrement : Ensemble Sillages : Aïda Aragoneses (harpe), Gilles Deliège (alto) et Sophie Deshayes (flûte)
Partition : Inédite
Diffusion : Création Mondiale, France Musique
Cette œuvre est inspirée du travail du peintre et graveur Assadour. Dzovinar Mikirditsian met en musique les gravures de ce dernier mais elle souhaite aussi saisir le travail minutieux de l'artiste, le geste du graveur, sa respiration. Pour cela, chacun des mouvements de cette pièce est inspiré d'un détail différent de son œuvre ou de son travail.
Par son instrumentation pour flûte, alto et harpe, cette pièce fait référence au trio pour le même effectif de Claude Debussy. Cependant la compositrice fait le choix de diversifier au maximum les timbres en utilisant de nombreux modes de jeux.
Dans le premier mouvement, elle met en musique la lumière des gravures. La voix parlée dans la flûte apparaît dans le deuxième mouvement, et est rendue presque incompréhensible par le mélange avec le son de la flûte et le souffle. Elle évoque les différents débris et le chaos qu'on retrouve dans les gravures d’Assadour. Dans le troisième mouvement, la compositrice utilise les instruments presque comme des percussions, amenant le son du trio de plus en plus vers le bruit, afin de représenter les outils de l'artiste. Le dernier mouvement est le seul qui contient une mélodie et qui apporte une certaine sérénité à la fin de cette œuvre.
En plus du travail du graveur, Dzovinar Mikirditsian s'inspire des rêves, qui ne sont pas toujours colorés et joyeux mais plutôt désarticulés. Sa musique se construit, se déconstruit puis se reconstruit comme le serait le souvenir d'un rêve qui n'est jamais totalement linéaire.
Voir la présentation vidéo de l'Horloger des songes par Dzovinar Mikirditsian
Voir la présentation de l'Horloger des songes par Cora Joris
Née à Beyrouth, Dzovinar Mikirditsian est une compositrice et pianiste libanaise d’origine arménienne et grecque. Elle étudie au Conservatoire National Supérieur de Musique du Liban ainsi qu’au Conservatoire National d’Erevan en Arménie, où elle obtient un master de piano. Elle complète son parcours par un master de Création Musicale et Sonore à l’Université de Paris-VIII, un diplôme d’études musicales en composition au Conservatoire d’Aubervilliers ainsi qu’un master de composition mixte à la Haute école de musique de Genève en Suisse.
Dzovinar Mikirditsian s’intéresse d’abord à la composition musicale dans les domaines de l’art vidéo, du théâtre et du cinéma puis écrit des œuvres de concert. Particulièrement marquée dans son enfance par les travaux du peintre-graveur Assadour, elle puise son inspiration dans les arts plastiques ainsi que dans la littérature. Elle suit également des ateliers de composition et des masterclasses, notamment avec Georges Aperghis, Franck Bedrossian et Yan Maresz.
Au-delà de l’œuvre littéraire ou plastique de référence, elle imagine et exploite aussi l’état mental et émotionnel de l’artiste pendant son travail de création, ainsi que ses mouvements et le bruit de ses gestes. Proposant divers univers sonores, elle oriente ses recherches sur la texture, les couleurs, les timbres ou encore la traduction de la notion de mouvement.
Dzovinar Mikirditsian compose des pièces électroacoustiques, acoustiques ou mixtes, pour des effectifs variés allant de l’instrument seul à l’orchestre et incluant aussi les voix.
Œuvre sélectionnée : Cuélebre pour flûte, saxophone, percussion, accordéon, électronique et vidéo
Durée : 9'
Année de composition : 2022
Création : 9 juillet 2022 à la Casa Municipal de Cultura de Seia - Festival DME, Portugal
Commanditaire : Ensemble ORBIS
Enregistrement : 9 février 2023 au GRAME - Centre National de Création Musical, Lyon
Interprètes de l’enregistrement : Ensemble Orbis
Partition : Babel Score
Diffusion : Ensemble ORBIS - YouTube
Le titre de cette œuvre, Cuélebre, fait référence à une créature issue de la mythologie celtique hispanique, un dragon ailé qui veille sur les trésors de la mer. C'est au sein de cet imaginaire fantastique que cette pièce se développe, fusionnant et mêlant les sons des instruments acoustiques (flûte, saxophone, percussion, accordéon) avec des sons électroniques.
Dans cet univers mystique, deux écritures contrastées cohabitent et alternent. Une musique faite de sons très courts et rapides, éparpillés dans l'espace, mêlant tous les instruments dans une pulsation active et rapide. Ces passages donnent l'impression d'une boîte à musique déréglée, désarticulée, d'un clignotement ou un scintillement actif. La deuxième atmosphère, beaucoup plus onirique, est construite dans un temps beaucoup plus étendu et non pulsé. On y entend des plages de sons beaucoup plus longs, des sons tenus qui suspendent pendant quelques instants le temps musical.
À travers l'alternance de ces deux écritures, une histoire se construit petit à petit, jusqu'à ce que l'énergie accumulée déborde et explose. Le son comme « note de musique » disparaît brutalement, on se rapproche plutôt d’un son « bruité ». Les instruments sont à ce moment utilisés uniquement comme des percussions grâce à différents modes de jeux (bruits de clefs de flûte, soufflet d’accordéon, etc.).
Né à Buenos Aires, Demian Rudel Rey est un compositeur, guitariste et vidéaste. Il étudie la guitare classique ainsi que la guitare jazz, l’improvisation et le tango, respectivement au Conservatoire Astor Piazzolla et à l’EMBA, École de Musique de Buenos Aires en Argentine. Il obtient une licence en composition et un master en arts à l’Université nationale des Arts de Buenos Aires avant de poursuivre sa formation en France. Il est ainsi également diplômé d’un master de composition (classes de Martin Matalon et Philippe Hurel) et d’un Artist Diploma du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse (CNSMD) de Lyon.
Son parcours lui a permis de bénéficier des conseils de compositeurs qui ont profondément marqué sa pensée créatrice, comme Philippe Hurel, Martin Matalon, Franck Bedrossian, Yann Robin, Daniel D'Adamo ou encore José Manuel López López.
Demian Rudel Rey s’intéresse aux timbres et à la diversité des couleurs sonores, mais aussi à la pulsation et aux combinaisons rythmiques qui introduisent énergie et contrastes au sein de l’œuvre. Ses compositions explorent de nouveaux modes de jeux, à la recherche de sons qui s’inscrivent dans la corporalité et qui requièrent un investissement total et virtuose de l’interprète, construisant un pont entre le langage visuel et le sonore.
Il compose des musiques instrumentales, mixtes, électroacoustiques ainsi que de la musique avec vidéo.
Demian Rudel Rey est également directeur artistique de l’Ensemble Orbis.
Œuvre sélectionnée : Boa Sr, pièce électroacoustique
Durée : 9'59
Année de composition : 2016
Création : 23 janvier 2016 à la Maison des pratiques artistiques amateurs - Auditorium Saint-Germain, Paris
Commanditaire : INA GRM
Enregistrement : INA GRM
Interprètes de l’enregistrement : Marie-Hélène Bernard
Diffusion : Souncloud de la compositrice
Cette pièce électroacoustique est un hommage à Boa Senior, décédée en 2010 à l'âge de 85 ans et vivant aux Îles Andaman dans le golfe du Bengale. Cette femme était la dernière locutrice de la langue « Bo » de sorte qu’à la fin de sa vie, elle ne pouvait parler qu’aux oiseaux.
C'est grâce au travail de la linguiste Anvita Abbi, qui a filmé et enregistré Boa Senior parler cette langue désormais disparue, que Marie-Hélène Bernard a pu entendre cette voix et décider d'écrire une œuvre en son honneur.
Celle-ci fait entendre des sons différents qui, en se mêlant, créent la singularité de cette pièce. La compositrice utilise des enregistrements de la voix de Boa Senior parlant la langue « Bo », alternant entre parlé, chanté et chuchoté et qui prononce les mots suivants : « Je suis fatiguée de travailler et mes mains brûlent », « Mensonges ! », « Oiseaux de terre, oiseaux de mer, crabes », « En s’éclairant dans la nuit », « Laissez-nous danser ensemble ! ». À cette voix s'ajoute de nombreux sons d'instruments qui viennent d'Asie, notamment des percussions comme le gong, qui font référence au lieu de vie de Boa Senior, ainsi que des sons de la nature, des bruits de vents, des chants d'oiseaux. Ces trois types de sons sont travaillés en studio, déformés, modifiés. La compositrice y ajoute des effets acoustiques pour donner une cohérence globale à la pièce. À travers cette œuvre, la compositrice souhaite rendre hommage à toutes les langues qui disparaissent dans le monde.
Voir la présentation vidéo de Boa Sr par Marie-Hélène Bernard
Née à Nancy, Marie-Hélène Bernard entreprend d’abord des études scientifiques avant de se consacrer à la musique, qu'elle étudie au sein des universités de Pau, Paris-VIII et Sorbonne Université où elle obtient un doctorat de musique. Elle poursuivra son parcours dans les classe de musique électroacoustique au Conservatoire de Gennevilliers, de composition au Conservatoire de Pantin, d’analyse et d’écriture au Conservatoire d’Orsay et lors de sessions du Centre Acanthes avec Pascal Dusapin et à l’Atem (Atelier Théâtre et Musique, qui deviendra en 1997 T&M) avec Bernard Cavanna.
Elle compose des œuvres instrumentales, mixtes, électroacoustiques, des pièces pédagogiques, et crée aussi des spectacles et des installations sonores, aimant se confronter avec d’autres arts comme la poésie, la vidéo ou les arts plastiques. Productrice à France Culture, elle réalise également de nombreuses créations radiophoniques.
Marie-Hélène Bernard développe son art en toute indépendance, en se forgeant une expression personnelle qui aspire à la simplicité sans exclure le lyrisme. Les couleurs sonores y tiennent une place importante, de même que la vocalité, souvent associée à la poésie. Son travail de création est nourri par sa pratique de l’enregistrement in situ et son intérêt pour la nature, l’anthropologie, l’ethnologie, les langues menacées, l’Asie et les autres cultures.
Particulièrement intéressée par les musiques asiatiques, elle séjourne en Chine en 2003 et en Corée en 2013 pour enregistrer des sons et approfondir sa connaissance des instruments traditionnels. Elle développe plusieurs projets de création avec des musicien·nes asiatiques, avec qui elle collabore dans la recherche d’une notation souple et respectant l’idéal de simplicité de l’esthétique traditionnelle chinoise.
Œuvre sélectionnée : Loess, pour ensemble
Durée : 9'30
Année de composition : 2023
Création : 11 mars 2023 à la Philarmonie de Paris, dans le cadre du Tremplin de la Création
Commanditaire : Ensemble Intercontemporain, Philharmonie de Paris
Enregistrement :11 mars 2023 à la Philharmonie de Paris
Interprètes de l’enregistrement : Ensemble Intercontempo-rain sous la direction de Toby Thatcher
Partition : Inédite
Diffusion : Ensemble Intercontemporain - YouTube
Le lœss est un dépôt de sables fins et de limons qui, après avoir été transporté par le vent et s'être fait piéger par la végétation, se sédimente, formant des étendues de roches poreuses et jaunâtres. Ce sont ces paysages hors du commun, comme les plaines désertiques de Jordanie et les montagnes du Kirghizstan et du Kazakhstan, qui ont inspirés Tom Bierton dans son processus de composition.
Cette œuvre, écrite pour ensemble instrumental, évolue de manière organique dans un univers sonore mystérieux et sensuel. Les différents instruments utilisent de nombreux modes de jeux et créent de nouvelles textures et timbres se mêlant entre eux. Cette masse sonore, posée d'abord sur une basse immobile, évolue de manière très lente au cours du temps. Au fil de l'œuvre se crée une accélération des rythmes utilisés et une densification du son atteignant son paroxysme aux trois quarts de la pièce. Cette lente accumulation peut évoquer le temps géologique, très lent, qui met plusieurs milliers d'années à créer ces paysages désertiques impressionnants.
La musique de Tom Bierton donne un effet de plénitude et de mélancolie douce qui évolue vers un sentiment plus sauvage. Cette œuvre ne représente pas uniquement les paysages de sédiments, mais aussi les émotions qu'ils font naître chez leurs spectateur·rices, et en particulier chez le compositeur qui évoque « l'extase douce que provoquent ces paysages en lui ».
Né à Cluses, Tom Bierton étudie le saxophone au Conservatoire d’Annecy, ainsi que la composition. Il pratique aussi en parallèle l’improvisation libre, notamment sur des films muets. Il poursuit sa formation au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse (CNSMD) de Paris et complète son parcours par un cursus de composition électronique à l’Ircam et obtient un Master de composition au CNSMD de Paris.
Tom Bierton puise ses inspirations principalement dans le jazz moderne, les musiques improvisées et les musiques actuelles. Captivé par les alliages et fusions de celles-ci avec la musique contemporaine et l’électronique, il oriente ses recherches autour de la porosité des frontières entre les genres et les styles musicaux.
Son écriture repose sur l’utilisation de modes de jeux variés, d’harmonies complexes et colorées, de cisèlements sonores et de silences. Elle tend également vers une forme de théâtre musical, convoquant toute une chorégraphie de gestes instrumentaux. Sa musique est irriguée par sa passion pour les pulsations ainsi que par sa fascination pour les écosystèmes naturels, particulièrement les environnements montagnards.
Reflet de ce qu’il ressent face à la nature, sa musique témoigne de son engagement écologique. Convaincu de l’importance sociale de l’art et de la nécessité de son accessibilité, il s’oriente vers la méditation et collabore avec de nombreuses structures, notamment dans la mise en place de projets de territoire et de créations collectives.
Artiste multiple, Tom Bierton est aussi poète, sculpteur, réalisateur de courts métrages, compositeurs de chanson et de musique de film. Il aime participer à des projets multidisciplinaires incluant d’autres arts.