Il est probablement plus difficile de décerner un prix de composition musicale comme le Grand Prix Lycéen des Compositeurs qu’un prix littéraire voué aux seuls romans comme le Goncourt, le Fémina ou le Renaudot. D’abord, en raison de l’hétérogénéité des œuvres sélectionnées, mais aussi de l’extraordinaire diversité des esthétiques en jeu. Comme chaque année, les six œuvres que nous vous soumettons emploient des effectifs très différents, depuis le violoncelle seul jusqu’au grand orchestre avec double chœur et quatuor. Le langage employé est également très divers, ainsi que le projet même du compositeur créant telle œuvre comme un objet sonore singulier, non récurrent — car l’œuvre qu’il composera ultérieurement répondra probablement à une situation et à un questionnement tout autres.
Autre difficulté, c’est que, dans leur variété, ces œuvres sélectionnées appartiennent toutes à une zone méconnue du monde musical. On est malheureusement étonné lorsqu’on rencontre des personnes parfois fort cultivées, parfois « mélomanes » qui ignorent absolument tout des compositeurs de musique - comment dire : vivante ?, savante ?, classique contemporaine ?…, qui sont les singuliers artisans proches ou lointains de Dutilleux, de Messiaen, de Jolivet, de Debussy, de Ravel, de Berlioz, de Rameau, que sais-je ?…Pour des raisons variées que l’on n’analysera pas ici, ces amateurs, que l’on peut parfois croiser jusque dans les salles de concerts « classiques » seraient totalement incapables de citer un seul nom de compositeur vivant.
Le Grand Prix Lycéen des Compositeurs prend modestement le problème à la source et, s’adressant à des jeunes qu’intéresse la chose musicale, leur fait savoir que « ça » existe, qu’ils vont découvrir un univers sonore auquel certains ne s’attendaient peut-être pas, qu’ils vont rencontrer des gens dont l’occupation principale est de pratiquer « l’art des sons », ainsi que le Larousse définissait simplement la musique, et découvrir grâce à leurs professeurs des manières nouvelles de s’approprier une œuvre. Et c’est peut-être là le plus important car on n’écoute pas ces musiques sans s’ouvrir d’abord les oreilles, sans les nettoyer de pré-requis divers, sans réfléchir un peu à ce qu’il s’y passe, à ce qu’elles transmettent, bref sans exercer son esprit critique, au-delà du simple « j’aime-j’aime pas » qui est la réaction primaire d’un esprit paresseux.
Jacques Bonnaure
Le Comité de sélection du 19ème Grand Prix Lycéen des Compositeurs s'est réuni le jeudi 14 septembre 2017 dans les locaux de Musique Nouvelle en Liberté ; il était composé de :
Textes de Jacques Bonnaure
Œuvre sélectionnée : Mechanic Fantasy, pour orgue, orchestre à cordes et timbales
Durée : 10'37
Année de composition : 2013
Création : 7 juin 2013 à Cabourg, par Jean-Baptiste Robin, organiste et l'Orchestre Régional de Normandie, sous la direction de David Wroe.
Interprètes : Jean-Baptiste Robin (orgue), Orchestre Régional de Normandie, direction Jean Deroyer
Disque : Fantaisie mécanique. Music with organ.
Label : Brilliant Classics (95479BR)
Plage : n° 1
Partition : Gérard Billaudot Éditeur (cliquer ici pour consulter la partition en ligne)
Commande de l'Orchestre Régional de Normandie.
Avec le soutien de Gérard Billaudot Éditeur
« Je suis fasciné depuis longtemps par l'horlogerie mécanique. Depuis les grandes horloges d'églises jusqu'aux montres automatiques récentes, ces objets mesurent le temps et semblent lui donner vie, comme une mystérieuse musique des sphères.
L'aspect tournoyant des cadrans est tout aussi envoûtant. Il se rapproche beaucoup des mélodies circulaires et des modes réfléchissants que j'ai théorisés il y a plusieurs années et que j'utilise de manière récurrente dans mes œuvres.
En musique, l'orgue est probablement l'instrument dont le mécanisme est le plus complexe et il m'a semblé naturel de l'associer à cet univers mécanique.
Un premier thème énergique, ondulant et fantaisiste est progressivement confronté à plusieurs idées musicales « mécaniques » : des mélodies tournoyantes, des ostinatos imperturbables et des sonorités évoquant des balanciers mécaniques joués sur les instruments à cordes et les timbales. Au centre de l'œuvre, un récitatif à l'orgue seul fait entendre le premier thème avec lyrisme. La confrontation du mécanique et du fantaisiste se poursuivra ensuite jusqu'au paroxysme du final ». (J.-B. Robin)
Né à Clamart (Hauts-de-Seine), Jean-Baptiste Robin effectue ses études musicales au CNSMD de Paris où il obtient cinq premiers prix premier nommé. Il y étudie l’écriture avec Jean-François Zygel, Edith Lejet, Jean-Claude Henry, Olivier Trachier, l’orchestration avec Marc-André Dalbavie et l'orgue avec Olivier Latry et Michel Bouvard. Il se perfectionne ensuite dans la classe de composition de George Benjamin au King’s College of Music de Londres où il obtient un master.
Sa carrière de soliste l'amène à se produire dans le monde entier, sur les cinq continents et dans plus de 35 pays. En soliste il est invité sur des scènes internationales comme le Walt Disney Concert Hall de Los Angeles, le théâtre Mariinsky de St. Petersbourg, le Sejong Cultural Center de Séoul et le Musashino Recital Hall à Tokyo et il fera ses débuts en Chine en 2018 dans les plus prestigieuses salles de concert. Depuis 2010 il est organiste « par quartier » de la Chapelle royale du château de Versailles. Il a enseigné l'écriture au CRR de Nantes et il est actuellement professeur d’orgue et d'écriture au CRR de Versailles.
Sa discographie compte plusieurs Diapason d’Or et son catalogue comprend une quarantaine d’opus, allant de l'instrument soliste au grand orchestre symphonique. « Sa musique forte et inspirée « exprime, montre, raconte et donne à imaginer [...] par l'utilisation de modes symétriques qui lui sont propres et appelés "réfléchissants". [...] Il pose les bases d'un univers ample et stable et invente une couleur singulière et immédiatement reconnaissable » (Michel Gribenski). Jean-Baptiste Robin a reçu de nombreux prix et récompenses et ses œuvres ont été exécutées par d’importantes formations symphoniques et des musiciens prestigieux (Pierre Boulez, Laurent Petitgirard, David Guerrier, Xavier Phillips…).
Ses partitions sont publiées chez Gérard Billaudot Éditeur.
Œuvre sélectionnée : Trio del sogno e del gabbiano, pour violon, violoncelle et piano
Durée de la sélection : 11'
Année de composition : 2014
Création : 25 novembre 2014 à Annecy, dans le cadre du Festival "Sons d'Automne", par le Trio Quintes et Sens.
Interprètes : Les Temps Modernes : Claire Bernard (violon), Florian Nauche (violoncelle) et Emmanuelle Maggesi (piano), sous la direction de Fabrice Pierre
Disque : Azulejos
Label : Continuo Classics (CC 777.721)
Plage : n° 1
Partition : Edizioni Suvini Zerboni (Milan)
Commande du Festival “Sons d’Automne” d’Annecy
Ce Trio du rêve et de la mouette est conçu pour la traditionnelle formation piano-violon-violoncelle. Ici, le compositeur entend surmonter l’hétérogénéité sonore de cette formation et « trouver des relations à double sens originales et surprenantes entre piano et cordes, fondant leur dialectique sur des bases inhabituelles. » Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’un anti-trio mais d’une œuvre dépassant l’organisation sonore du trio, telle que nous l’ont léguée et imposée les chefs-d’œuvre classiques de Beethoven, Brahms ou Ravel, très liée à une certaine forme de langage et de discours musical. Pour cela, il fallait retrouver quelque chose du geste improvisé de la musique populaire. Comme l’écrivait Michèle Tosi, « Ce désir de remonter aux sources de la musique populaire s’entend dès la première pièce de l’album, Trio del sogno e del gabbiano (Trio du rêve et de la mouette). Selon un processus familier au compositeur qui regarde vers l’improvisation, l’œuvre s’origine sur un geste instrumental unique, répété puis déployé dans l’espace sous l’action du rythme, et d’une complexité croissante. Émergent alors les nervures rythmiques d’un tango que rien ne laissait prévoir auparavant. »
Né à Alatri, dans le Latium (Italie), Luca Antignani s’est formé comme pianiste, compositeur et chef d’orchestre à la Scuola Civica de Milan, à l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia de Rome et à l’Ircam à Paris. Il a mené une carrière très active de compositeur et de prestigieuses institutions lui ont passé des commandes et ont interprété ses œuvres. Il a remporté de nombreux prix internationaux de composition, comme le Grame/EOC 2008 et le Barlow Endowment 2005. D’importants festivals de musique contemporaine comme Musica Strasbourg, Présences, Résonances, RAI Nuova Musica, Dresdner Musikfestspiele et Agora ont programmé ses œuvres.
Luca Antignani enseigne actuellement l’orchestration au CNSMD de Lyon et la musique contemporaine et l’orchestration à la Haute Ecole de musique de Lausanne. Il est également directeur artistique de l’ensemble instrumental lyonnais Les Temps Modernes.
Comme l’écrivait Alessandro Solbiati, avec lequel il a travaillé la composition : « Particulièrement intéressé par la musique populaire, Antignani sait “inventer la couleur” sans faire appel à n’importe quelle diablerie technique, il sait nous surprendre avec des sonorités inouïes qui sont le produit de la combinaison complexe d’éléments simples. L’attention tout à fait personnelle qu’il adresse au son, délibérément étrangère à l’investigation de ses frontières les plus extrêmes, révèle des racines profondément ancrées dans la tradition, qu’il revisite cependant avec une grande inventivité ».
Son catalogue est riche actuellement de plus de quarante œuvres, pages symphoniques, pour petit ou grand ensemble instrumental, pièces vocales ou solos instrumentaux.
Il est publié par les Edizioni Suvini Zerboni (Milan).
Œuvre sélectionnée : Espaces-Fragmentations, poème symphonique n° 6 op. 87, pour orchestre
Durée de la sélection : 10’08
Année de composition : 2011
Création : 5 novembre 2012 à Paris, au Théâtre des Champs-Élysées, par l'Orchestre National de France, sous la direction de Daniele Gatti.
Interprètes : Orchestre National de France, direction Daniele Gatti
Disque : Orages
Label : Naxos (8.573617)
Plage : n° 2
Partition : Éditions Durand (cliquer ici pour consulter la partition en ligne)
Commande de Radio France
Ce poème symphonique a connu une genèse un peu particulière. L’Orchestre National de France donnait une intégrale des symphonies de Beethoven sous la direction de son chef Daniele Gatti et souhaitait accompagner chaque concert d’une œuvre assez brève d’un compositeur contemporain, conçue pour le même effectif que les symphonies jouées au cours du même concert. Espaces-Fragmentations fut donc créé aux côtés de la Deuxième et de la Sixième Symphonie (Pastorale). Le compositeur notait que cette partition d’une durée de dix minutes traduisait « une réflexion sur le temps vécu, le temps présent et le temps à venir… » La partition est constituée de brèves séquences figurant des espaces fragmentés, semblables à « des lumières et des étoiles déjà éteintes depuis longtemps. » Un matériau sonore hétérogène se transforme au cours de l’œuvre, en quête d’une unité dans la diversité.
Né à Beyrouth (Liban) dans une famille chrétienne, Bechara El-Khoury est sensibilisé à la musique dès son jeune âge. Ses débuts artistiques sont très précoces, mais ce n'est qu'en 1969 qu'il commence de sérieuses études musicales à Beyrouth, sous la direction d'Hagop Arslanian (piano, harmonie, contrepoint, fugue et analyse), tout en poursuivant des études supérieures. Il composera ainsi ses premières œuvres pianistiques et symphoniques.
Entre 1971 et 1973, Bechara El-Khoury publie trois recueils de poèmes, avant de se rendre à Paris en 1979 afin de se perfectionner avec Pierre Petit. Depuis lors, il réside à Paris. Sous l'influence de la guerre civile libanaise, qui a éclaté en 1975, il a composé de 1980 à 1985 une Trilogie du Liban, dont les œuvres orchestrales sont Les Ruines de Beyrouth, Le Liban en flammes et Les Martyrs et Requiem aux libanais de la guerre. En 1987, il a pris la nationalité française. En 2000, Bechara El-Khoury a reçu le « Prix Rossini » de l’Académie des Beaux-Arts (Institut de France), puis en 2001 il est promu « Chevalier dans l'Ordre national du Cèdre du Liban ».
Son œuvre, moderne mais profondément enracinée est attachée à l’expressivité et au lyrisme, comprend de nombreuses partitions symphoniques ou concertantes qui ont intéressé des formations symphoniques de haut niveau soucieuses de renouveler leur répertoire, comme par exemple l'Orchestre National de France, le London Symphony Orchestra, l'Orchestre de Paris, l'Orchestre du Konzerthaus de Berlin, ou encore l'Orchestre Philharmonique d'Oslo, sous la direction des plus grands chefs d’orchestre, tels que Kurt Masur, Daniele Gatti, Paavo Järvi, James Conlon, Daniel Harding...
Il est publié par les Editions Durand et Eschig (Universal Music Publishing Classical).
Œuvre sélectionnée : Un herbier pour la vie, III : "Bicinium", pour violoncelle seul
Durée : 8'49
Année de composition : 2007
Création : lors de l'enregistrement du disque par Marc Coppey (violoncelle) en 2016.
Interprète : Marc Coppey (violoncelle)
Disque: Solos - A personal diary in music
Label : Alpha Classics (ALPHA 263)
Plage : n° 11
Partition : Éditions ALLEGRETTO
Avec le soutien de : CNSMD de Paris
Un herbier pour la vie est un ensemble de trois pièces pour violoncelle seul ("Elégie", "L’Absent", "Bicinium"), animé par un sentiment profond de proximité avec les « voix chères qui se sont tues ». La troisième pièce qui nous occupe ici fait référence à une forme traditionnelle de composition généralement vocale, à deux voix, connue de la Rome antique et qui s'est perpétuée jusqu'au XVIIe siècle. Ce bicinium, bien que dévolu à un instrument soliste est conçu à deux voix. Pour le compositeur, cette pièce « voudrait dire quelque chose de la tendresse paternelle et de la tendresse filiale retrouvées ; comme un parcours depuis la gravité du recueillement quand nous manque la tendresse des absents, jusqu’à la compréhension que l’absence n’a rien retiré à la force de la tendresse reçue en héritage. Ainsi, la pièce s’achève certes à une voix, mais riche de tout ce qui précède ».
Pour découvrir quelques clefs d'écoute d'Éric Montalbetti à propos de la pièce "Bicinium" : site du compositeur
Né à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), Éric Montalbetti compose depuis l’âge de onze ans, parallèlement à l’étude du piano et de l’orgue. D’abord autodidacte, il suit les cours de Pierre Boulez, Robert Piencikowski et Andrew Gerszö à l’Ircam et au Collège de France. Lauréat de la Fondation Sacem et de la Fondation Menuhin en 1990 pour sa Sonate pour violon seul, il complète sa formation avec Alain Bancquart, Paul Méfano et Michaël Lévinas en auditeur-libre au Conservatoire de Paris de 1990 à 1993. Il a également travaillé dans le cadre du Centre Acanthes avec George Benjamin, Magnus Lindberg, Philippe Manoury et Tristan Murail.
Pendant de nombreuses années, Eric Montalbetti compose comme on écrit son journal intime, préférant garder sa musique secrète. Il compose dans cette période un ensemble de pièces pour différents instruments solos, de musique de chambre, pour ensemble, pour orchestre, pour chœur a cappella ou pour chœur, solistes et orchestre, souhaitant séparer son œuvre de son activité professionnelle.
De 1996 à 2014, il est en effet directeur artistique de l’Orchestre philharmonique de Radio France, qu’il contribuera à hausser au plus haut niveau des orchestres français, et c’est seulement en 2015 qu’il révèle sa riche activité de compositeur lorsque une première pièce pour orchestre Vaste champ temporel à vivre joyeusement est créée et enregistrée par Pascal Rophé et l’Orchestre National des Pays de la Loire, ainsi que par le Tokyo Sinfonietta et Yasuaki Itakura au Japon. Depuis, ses œuvres ont été défendues par de très grands interprètes.
Sa musique est éditée depuis 2015 par les Éditions Durand (Universal Music Publishing Classical).
Œuvre sélectionnée : Maadann (4ème, 5ème, 6ème et 7ème mouvements), pour 8 chanteurs, piano à 4 mains, cymbalum et percussions
Durée de la sélection : 10'25
Année de composition : 2011
Création : 22 juillet 2011 à Aix-en-Provence, à l'Hôtel Maynier d'Oppède, dans le cadre du Festival d'Aix-en-Provence, par les chanteurs et les musiciens de l'Académie Vocale Contemporaine du Festival.
Interprètes : Musicatreize, direction Roland Hayrabedian
Disque : Rituels
Label : L'Empreinte Digitale (ED13246)
Plages : n° 7, 8, 9 et 10
Partition : Onoma Éditions Musicales
Commande de l’Académie européenne de musique du Festival d’Aix-en-Provence
On emploie parfois, en musique, le terme d’alchimie sonore, et c’est bien le cas ici puisque Maadann est inspiré par le symbolisme de l’alchimie et la pensée annonciatrice de la raison moderne de Roger Bacon, exposée dans son Miroir de l’alchimie.
« Maadann serait une sorte de liturgie du métal qui mettrait en scène huit voix – chaque chanteur incarnant une personnalité minérale -, et des instruments, lieux de transformation. Une procession chemine du fer au mercure. De degré en degré, la transmutation se produit dans le mystère musical. L’italien chanté ressemble à une autre langue. On songe à l’arabe, au berceau de l’imaginaire alchimique. La façon d’étirer la voix, de jouer de l’élasticité même du chant, de sa densité, fait disparaître la prosodie et dépayse la langue. Chaque métal possède sa matière sonore, son temps, son énergie et son mouvement propre ». (Catherine Peillon)
Des huit morceaux que comprend l’œuvre, on en retient ici quatre, évoquant successivement :
« 4. L’étain, le symbole de la justice et de la hiérarchie.
5. L’argent est l’image de la lune, vive et scintillante. Il incarne le féminin, la transparence, l’âme et ses mondes intérieurs.
6. L’or est la perfection, la lumière, le principe masculin qui pourtant, par un retour vers soi et un pèlerinage dans la solitude, rejoint le fer, son exact contraire, dans un intime lamento.
7. Le mercure est ici duo, métal double et fuyant. Associé au soufre, il engendre tous les métaux … ».
Né à Wadi Chahrour (Liban), Zad Moultaka poursuit depuis plusieurs années une recherche personnelle sur le langage musical, intégrant les données fondamentales de l’écriture contemporaine occidentale aux caractères spécifiques de la musique arabe… Depuis son enfance, son activité musicale se double également d’une riche activité de peintre.
Il commence le piano dès l’âge de cinq ans et poursuit ses études au conservatoire de Beyrouth. En 1984, chassé par la guerre, il s’installe à Paris où il reçoit l’enseignement de Marie-Madeleine Petit, Pierre Sancan, Aldo Ciccolini, Bruno Rigutto, Marie-Françoise Bucquet et Christian Ivaldi. Il obtient quelques années plus tard deux premiers prix à l’unanimité (piano et musique de chambre) au CNSMD de Paris et entame une brillante carrière de soliste. En 1993, Zad Moultaka met pourtant volontairement un terme à ce parcours pianistique pour se consacrer à la composition et à la peinture.
A partir de 2003 et de sa rencontre avec Catherine Peillon s’opère une transformation radicale de son langage. Il est de plus en plus sollicité par le milieu musical (commandes, enregistrements, colloques, masterclass), le succès et l’estime vont grandissant. Occasions de mettre en œuvre sa pensée musicale servie par les plus grands interprètes du moment. Zad Moultaka fonde l'ensemble Mezwej en 2004 pour explorer les frontières et les frottements entre écriture et oralité, et poursuit ainsi de grandes aventures scéniques et musicales. Longtemps les projets musicaux ont laissé dans l'ombre les arts visuels. Pourtant en 2011, il est invité à participer à l’exposition Rebirth organisée par Janine Maamari au Beirut Exhibition Center. Ce virage, annoncé par le souci scénographique et la mise en scène d’un opéra et de plusieurs pièces musicales complexes, lui permet de réconcilier en lui-même des tendances profondes, latentes, antagonistes, d’interroger les frontières entre visible et invisible. En mai 2017, il représente le Liban à la 57e Biennale d'Art de Venise.
Ses œuvres sont éditées par Onoma Éditions Musicales.
Œuvre sélectionnée : Das Dornröschen (3ème, 4ème, 5ème, 6ème et 7ème mouvements), pour quatuor à cordes solo, deux chœurs et grand orchestre
Durée de la sélection : 10'24
Année de composition : 2012
Création : 25 février 2012 à Cologne (Allemagne), à la Philharmonie de Cologne, par le Quatuor Arditti, WDR Rundfunkchor Köln, WDR Sinfonie Orchester Köln, sous la direction de Matthias Pintscher.
Interprètes : Quatuor Arditti, WDR Rundfunkchor Köln, WDR Sinfonie Orchester Köln, sous la direction de Matthias Pintscher
Disque : Der Geograph / Les voix humaines / Concerto I / Das Dornröschen
Label : 2CD Æon (AECD1652)
Plages : CDn°2 - plages n° 3, 4, 5, 6 et 7
Partition : Éditions Henry Lemoine
Commande du Westdeutscher Rundfunk Köln
Avec le soutien de MFA, Westdeutscher Rundfunk
Le conte de La Belle au bois dormant fut adapté en France par Perrault, en 1697 et en 1812, les Frères Grimm en donnèrent une autre version (allemande) sous le titre Das Dornröschen. C’est sur cette version que se fonde l’œuvre de Brice Pauset.
« La distribution mise en œuvre (quatuor à cordes, double chœur et orchestre) est pensée comme un dispositif dérivé de l'opéra. Le principe du sujet est concentré dans le quatuor à cordes solo, le double-chœur est chargé de narration, tandis qu'à l'orchestre sont confiés de nombreux madrigalismes dévolus à la transcription d'actions concrètes : la montée de l'escalier, le filage, etc. Bien sûr, des cas particuliers mettront en danger cette belle construction.
Dans le cadre de mon travail "d'exégèse critique" vis-à-vis de la question de la scène, ce projet est une tentative de créer une musique qui prenne elle-même en charge un grand nombre de forces normalement en jeu dans le cadre de l'opéra : personnes, action, mouvements, chant, dramaturgie, scénographie, décor, lumière, etc. ll ne s'agit pas d'inventer de nouvelles métaphores, mais plutôt de parvenir à transcrire les phénomènes en jeu dans le conte des frères Grimm à travers des catégories et des objets purement musicaux, fortement chargés d'images associatives : une musique de situations et de phénomènes donc, plus que de représentation. » (Brice Pauset).
Né à Besançon (Doubs), Brice Pauset débute ses études musicales par l'apprentissage du piano, du violon et du clavecin, avant de s'orienter vers la composition. En 1994, il bénéficie du soutien de la fondation Marcel Bleustein-Blanchet pour la vocation. Il étudie à l'Ircam de 1994 à 1996, reçoit l'enseignement de Michel Philippot, Gérard Grisey et Alain Bancquart à Paris et mène une double carrière de compositeur et d'interprète jouant aussi bien ses propres pièces que le répertoire ancien au clavecin, au pianoforte et, occasionnellement, sur un piano moderne.
En France et à l’étranger, il travaille avec des ensembles spécialisés en musique contemporaine mais pas seulement. Parfois, sa musique fait appel à des interprètes inattendus dans le domaine de la création musicale contemporaine. Entre autres pièces de chambre ou pour ensemble, il a achevé un cycle de six symphonies (de 2001 à 2009).
Depuis 2010, Brice Pauset enseigne la composition à la Musikhochschule de Freiburg-in-Breisgau (Allemagne) où il réside et dirige le Département de musique contemporaine de cette même institution. Depuis 2012, il est le directeur de l'Ensemble Contrechamps à Genève (Suisse). Depuis 2010, il est compositeur en résidence à l'Opéra de Dijon.
Son catalogue comprend une soixantaine d’œuvres couvrant tous les genres musicaux du soliste à l’orchestre et à la scène, avec ou sans électronique. Il mène parallèlement une carrière de claveciniste et de pianofortiste, collectionne et réalise lui-même des instruments originaux.
Ses œuvres sont publiées aux Éditions Henry Lemoine.