Chateaubriand voyait avec un plaisir indicible le retour de la saison des tempêtes. La Lettre du Musicien aussi. Depuis douze ans, chaque automne ramène en effet sa sélection d’œuvres d’aujourd’hui proposées à l’admiration des lycéens de toute la France, outremer compris. Le Grand Prix lycéen des compositeurs, depuis sa création, n’a eu qu’une seule préoccupation, faire connaître aux jeunes auditeurs une forme de musique qu’ils auraient peu l’occasion d’entendre, pour la plupart d’entre eux, en dehors de ce cadre. La musique contemporaine est à peu près étrangère à l’univers culturel des lycéens, et c’est dommage car, à chaque remise de prix, et dans les commentaires que nous demandons aux « jurés » de rédiger, on ressent parfois un réel enthousiasme.
Il suffit donc bien souvent d’établir le contact, et d’un peu de pédagogie. Le problème avec la musique, c’est que le goût en est formaté par les attentes du public. Si pour un auditeur quelconque, la « grande musique » ressemble à un Mozart mâtiné de Chopin, si la variété, ainsi appelée parce qu’elle est souvent très peu variée, lui a gâté l’audition avec sa pulsation uniforme, il sera évidemment déçu dans son attente en écoutant n’importe quelle œuvre de notre sélection. Reste alors à le déconditionner, à expliquer ce que c’est que l’écoute, ce que l’on peut attendre d’une telle expérience, ce que l’on ne peut pas en attendre. En fait, c’est assez simple d’écouter ces musiques, il suffit d’ouvrir les oreilles et de laisser entrer le son sans préjugé. Certains lycéens poseront probablement la question de l’émotion, de l’expressivité, des sentiments véhiculés par la musique. Aux enseignants de leur expliquer que l’émotion - dont on ne sait pas trop bien ce que c’est, ni que l’expressivité, dont on n’a jamais pu préciser ce qu’elle exprime, ne naît pas forcément d’une suave mélodie bien sucrée.
Les morceaux sélectionnés n’étant pas très longs, il est éminemment souhaitable d’écouter l’œuvre intégrale, précédée d’une petite présentation et suivie d’un questionnement sur la production du son, les problématiques auxquelles répond le compositeur, la lignée dans laquelle il s’inscrit…
Jacques Bonnaure
Le Comité de sélection du 13ème Grand Prix Lycéen des Compositeurs était composé de :
Textes de Jacques Bonnaure
Œuvre sélectionnée : Ephémères, pour piano de Ouragan à Oiseau des silences
Année de composition : 1999-2003
Création : 1er février 2004 à Paris, Maison de Radio France, dans le cadre du Festival Présences, par Alice Ader (piano).
Interprètes : Alice Ader (piano)
Enregistrement : 21 mars 2010 à Lavérune, Château, à l'invitation de l'Association Prélude, par Alice Ader (piano)
Disque : Ephémères
Label : Triton (TRI 331170)
Plages : n°7 à 13
Commande de Radio France
Partition : Éditions Durand-Salabert-Eschig
Éphémères est une suite de vingt-quatre pièces brèves pour piano. A l’origine, le pianiste Thierry Ravassard avait commandé à plusieurs compositeurs, dont Philippe Hersant, une pièce pour piano inspiré d’un haïku, cette forme de la poésie japonaise traditionnelle qui évoque tout en monde en trois vers. Piqué au jeu, Philippe Hersant a, selon son gré, sélectionné d’autres haïku du poète Bashô qui lui ont inspiré, en toute liberté, le cycle suivant qui dure 42 minutes dans sa totalité. Le cycle est dédié à sa créatrice Alice Ader, avec laquelle le compositeur a souvent travaillé.
On pourra comparer ces Éphémères avec certaines pages de Debussy, de Messiaen, ou avec des musiques orientales, lire les textes et imaginer des correspondances entre le poème et la musique.
Parallèlement à des études de lettres modernes, Philippe Hersant suit au Conservatoire de Paris les classes d’harmonie de Georges Hugon, de contrepoint d’Alain Weber et de composition d’André Jolivet.
Il passe deux ans à la Casa de Velazquez à Madrid (1970-1972). A son retour à Paris il entre au département de musicologie de Paris IV comme enseignant et débute sa collaboration à France Musique (dont il est toujours un collaborateur régulier). En 1978, il entre à l’Académie de France à Rome et compose son "opus 1", Stances, pour orchestre, puis l’opéra de chambre Les Visites espacées (créé au Festival d’Avignon 1983) qui connaîtra un certain retentissement. Suivront essentiellement des œuvres orchestrales : Spirales, Méandres pour violon et orchestre, Aztlan et la Missa brevis pour 12 voix et orchestre.
Radio France lui commande un quatuor à cordes. Par la suite, entre 1985 et 1992, il écrit un second quatuor à cordes (Nachtgesang), un concerto pour violoncelle et orchestre de chambre, un sextuor et diverses pièces solistes (Hopi pour basson, Pavane pour alto, Melancholia pour contrebasse).
Son opéra Le Château des Carpathes (sur un livret tiré du roman de Jules Verne) est d’abord créé dans une version de concert au Festival de Montpellier en 1992, puis, en octobre 1993, à l’Opéra de Montpellier. Au cours des années suivantes, il continue d’écrire pour la voix, mais compose aussi un Deuxième concerto pour violoncelle et Cinq pièces pour orchestre. Depuis une dizaine d’années, il a notamment composé un Concerto pour violon, un deuxième opéra, Le Moine noir (d’après Tchekhov), créé à Leipzig (2006). En 2005 et 2010, il a été élu compositeur de l’année aux Victoires de la musique classique.
Œuvre sélectionnée : Propagada, pour quatuor de saxophones et électronique
Durée : 6'48
Année de composition : 2008
Création : 4 mars 2008 à Lyon, Opéra de Lyon, dans le cadre de la Biennale Musiques en scène du GRAME, par le Quatuor Habanera
Enregistrement : 17 janvier 2010 à Gennevilliers, Centre musical Edgar-Varèse Conservatoire à rayonnement départemental, par Quatuor Habanera (Christian Wirth, saxophone soprano / Sylvain Malézieux, saxophone alto / Fabrizio Mancuso, saxophone ténor / Gilles Tressos, saxophone baryton, Christophe Lebreton, réalisation informatique musical)
Disque Manifesto
Label : Æon/Outhere (AECD 1106)
Plage : n°6
Partition : Gérard Billaudot Éditeur
Commande du GRAME
Avec le soutien de MFA, FCM et Gérard Billaudot Éditeur
Propaganda procède d’une réflexion sur le son saturé. Franck Bedrossian remarque en effet que la saturation est une préoccupation fondamentale de la génération actuelle (et il note également que chaque génération eut ses préoccupations particulières). La saturation consiste à la production de sons inharmoniques où l’oreille est frappée à la fois par un nombre extrêmement élevé d’informations. Elle consiste donc une sorte de limite de l’ « audibilité » mais les limites, en musique, sont faites pour être repoussées. L’emploi d’un quatuor de saxophones et d’un dispositif électronique n’est évidemment pas un hasard. Le compositeur a choisi cet effectif pour l’homogénéité des timbres des quatre instruments, leur capacité de fusion. L’ électronique sert à prolonger le spectre harmonique des quatre saxophones. Comme souvent dans ce genre de dispositif, l’oreille peut s’attendre à des surprises. L’on croit entendre des sons des sons électroniques alors que l’on entend les instruments, et vice-versa.
Les auditeurs pourront réfléchir au concept de spectre sonore, aux possibilités de l’électronique, à la notion de limite d’audibilité.
Après les classes d’écriture, d’orchestration et d’analyse au CNR de Paris, il étudie la composition auprès d’Allain Gaussin et entre au CNSMD de Paris. En 2001-2002, il suit le Cursus de composition et d’informatique musicale de l’Ircam. Il a enseigné la composition musicale à l’Université de Berkeley (États-Unis) de 2008 à 2019, puis à la Kunstuniversität Graz (Autriche) à partir de 2020. Il a été pensionnaire de la Villa Médicis (2006-2008) et nommé Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres en 2011.
Sa musique déploie une intensité dramatique avec force et raffinement. L’invention des matières sonores et la densité expressive de son écriture sculptent une forme musicale riche d’ambiguïtés et d’illusions acoustiques. Franck Bedrossian travaille sur des sons bruts, saturés, et sur l’idée de transition, de transformation et de modelage de la pâte sonore. Les rôles du geste et de la dimension physique dans sa musique sont très importants. Il est inspiré par la musique de tradition orale et par tous les courants musicaux du XXème siècle, notamment le jazz et le rock pour leur approche physique et l’émission naturelle de la voix.
Ses œuvres sont publiées par les Éditions Billaudot, Verlag Neue Musik et Maison ONA.
Œuvre sélectionnée : Time, pour orchestre
Durée : 12'28
Année de composition : 2009
Création : 24 septembre 2009 à Besançon, Théâtre, par le BBC Symphony Orchestra sous la direction de Kazuki Yamada
Enregistrement : 24 septembre 2009 au Théatre de Besançon par le BBC Symphony Orchestra, sous la direction de Kazuki Yamada
Disque : L'Œuvre pour orchestre
Label : Æon/Outhere (AECD 1105)
Partition : Éditions Henry Lemoine
Commande de la BBC
Avec le soutien de MFA, Orchestre de Besançon Montbéliard Franche-Comté, Orchestre Philharmonique de Radio France, Orchestre Poitou-Charentes, Orchestre National de France, Festival international de musique de Besançon Franche-Comté et Éditions Henry Lemoine
Le titre (« Temps ») fait référence à Besançon, capitale de l’horlogerie, ville du temps. L’œuvre fut en effet commandée pour la finale du 51e Concours de chefs d’orchestre de Besançon, en 2009. Le temps musical peut se manifester de diverses façons, régulières (ostinato), continues, discontinues, par des silences, des superpositions de strates temporelles, comme un fleuve dans lequel plusieurs courants coexisteraient ou au contraire « comme un fleuve tranquille ». Ce travail du temps est évidemment capital pour un chef d’orchestre et sa maîtrise est une compétence indispensable, d’où sa destination. Mais, même en oubliant les circonstances de la composition, la nécessité de penser le temps est une exigence « incontournable » pour tout compositeur (d’aujourd’hui ou de toujours).
On pourra s’intéresser aux divers « temps » présents dans l’œuvre, et au rapport entre les groupes instrumentaux et du temps – comment le temps est rendu sensible par l’instrumentation.
Après avoir suivi des études d’Art et d’Archéologie et de Philosophie à la Sorbonne, Édith Canat de Chizy obtient successivement six premiers prix au CNSMD de Paris, dont celui de composition, et s’initie à l’électroacoustique au sein du Groupe de Recherches Musicales. Élève d’Ivo Malec, elle fait en 1983 la rencontre décisive de Maurice Ohana, à qui elle consacrera une monographie en 2005 aux Éditions Fayard.
Dans l’œuvre de cette violoniste de formation, qui comporte à ce jour plus d’une centaine d’opus, la musique concertante occupe une place de choix et les cordes y sont prédominantes. Elle a reçu de nombreuses commandes d'État, d'orchestres et d'ensembles spécialisés.
Elle a été plusieurs fois en résidence, notamment à l’Arsenal de Metz, auprès de l’Orchestre National de Lyon et au Festival de Besançon où sa pièce pour grand orchestre Times a été imposée à la finale du Concours International des Jeunes Chefs d’Orchestre 2009, et créée par le BBC Symphony Orchestra.
De nombreuses distinctions sont venues couronner son œuvre. Élue à l’Académie des Beaux-Arts en 2005, qu'elle préside en 2016, Édith Canat de Chizy est la première femme compositeur membre de l’Institut de France. Après avoir dirigé le Conservatoire du XVème arrondissement et celui du VIIème arrondissement de Paris, elle a enseigné la composition au CRR de Paris jusqu’en 2017.
Elle reçoit en 2016 le Grand Prix du Président de la République de l’Académie Charles Cros pour l’ensemble de son œuvre.
Site de la compositrice : http://edithcanatdechizy.fr/
Œuvre sélectionnée : Karl Koop Konzert, mvt 1 "Musette", comédie pompière, sociale et réaliste pour accordéon et orchestre
Durée : 15'30
Année de composition : 2007
Création : 24 mai 2008 à Lille, Nouveau Siècle par Pascal Contet (accordéon) et l’Orchestre National de Lille sous la direction de Grant Llewellyn.
Enregistrement : 24 mai 2008 à Lille, Nouveau Siècle par Pascal Contet (accordéon) et l’Orchestre National de Lille sous la direction de Grant Llewellyn
Disque : Karl Koop Konzert. Shanghaï Concerto. Trois Strophes.
Label : Æon/Outhere (AECD 11054)
Plage : n°8
Partition : Éditions Musicales Européennes (EME)
Commande de l'Ensemble 2e2m, Orchestre National de Lille, Radio France et Æon
Avec le soutien de MFA et Éditions Musicales Européennes
L’accordéon, instrument populaire par excellence n’a pas souvent eu droit de cité dans la musique savante. L’instrument d’Yvette Horner et Valéry Giscard d’Estaing n’est enseigné au Conservatoire de Paris que depuis peu d’années. Karl Koop était le grand-père du compositeur, qui jouait de l’accordéon en autodidacte. Ce Concerto lui rend hommage en utilisant au maximum les particularités de l’instrument (répons entre les claviers, jeux de souffle…) dans ses deux versions, musette et accordéon de concert. L’œuvre comprend quatre mouvements enchaînés dont les titres font référence à l’univers populaire du piano à bretelles (« Musette », « Sans flon flon », « Galop Pompier », « La fin du bal », qui évoquent l’univers de Satie en marquent bien l’aspect pompier, social et réaliste de cet étrange concerto
On pourra s’interroger sur les rapports entre musique savante et populaire, sur l’imagination créatrice du compositeur qui « joue » avec le matériau dont il dispose, sur la sociologie des instruments.
Né à Nogent-sur-Marne, Bernard Cavanna se forme en autodidacte à l’harmonie avant d’entreprendre un cursus de musicologie et de présenter ses travaux à Henri Dutilleux. Encouragé dans la voie de la composition par Georges Aperghis et Paul Méfano, amateur de jazz, de Franz Schubert, de Guillaume de Machaut ou encore des sons tribaux de Iannis Xenakis ou des polyphonies de György Ligeti, Bernard Cavanna est un compositeur éclectique qui évolue en marge de tout dogme.
Son œuvre inventive, ironique, volontiers teinté d’acidité associe veine populaire, legs romantique et traditions modernes savantes. Avec une forte attirance pour le conflit et les oppositions, Bernard Cavanna s’attache à mélanger le dérisoire, le vulgaire et la préciosité, tant dans les références littéraires de ses œuvres que dans son matériau musical, ses associations instrumentales et ses recherches sonores où se côtoient finesse et rudoiement. Sensible à l’univers pictural, il colore sa musique avec des instruments rares ou peu utilisés en musique contemporaine tels que l’orgue de barbarie, la cornemuse, le bandonéon ou encore une perceuse à percussion.
Composant beaucoup à ses débuts pour la voix, les vents et la percussion, sa formation de prédilection devient le trio violon, violoncelle et accordéon, à partir de sa rencontre en 1987 avec la violoniste suisse Noëmi Schindler à qui il destine toutes ses œuvres avec violon.
Bernard Cavanna a également composé pour le théâtre, la danse et le cinéma. Il a par ailleurs dirigé le Conservatoire Edgar-Varèse de Gennevilliers (1987-2018).
Œuvre sélectionnée : L'Afrique d'après Tiepolo, pour piano principal et ensemble instrumental
Durée : 13'27
Année de composition : 2005
Création : 22 avril 2005 à Witten (Allemagne), par l’Ensemble Recherche
Enregistrement : 16 et 17 décembre 2009 à Cologne (Allemagne), Studio Stolberger Strasse, par l'Ensemble Recherche (Jean-Pierre Collot, piano / Martin Fahlenbock, flûtes / Jaime González, hautbois, cor anglais / Shizuyo Oka, clarinettes / Christian Dierstein, percussions / Melise Mellinger, violon / Barbara Maurer, alto / Åsa Åkerberg, violoncelle)
Disque : L'Afrique d'après Tiepolo. L'Asie d’après Tiepolo.
Label : DistrArt/Kairos (0013142 KAI)
Plage : n°1
Partition : Éditions Henry Lemoine
Commande de la Westdeutscher Rundfunk Köln (WDR3) et Kairos Music Production.
Avec le soutien de MFA.
L’Afrique d’après Tiepolo est conçu pour piano et petit ensemble (flûte piccolo, cor anglais, clarinette, clarinette basse, vibraphone, violon, alto, violoncelle). Le peintre italien Tiepolo (1696-1770) représente peut-être l’ultime stade d’un art baroque d’inspiration catholique. Il a décoré la Résidence de Würzburg de fresques représentant les cinq continents. Deux de ces continents picturaux, l’Asie et l’Afrique, ont déjà servi de matériau à Hugues Dufourt. Dans L’Afrique d’après Tiepolo, le piano – que l’on ne peut pas considérer comme un soliste de concerto, mène le discours. Les résonances qu’il propose dès le début de l’œuvre vont se transmettre, se prolonger en lentes irisations grâce aux autres instruments. Le temps de l’œuvre est lent, grave et distendu, mais l’intérêt toujours relancé par les jeux de timbres variés de l’ensemble instrumental, qui peuvent évoquer les complexes éclairages jouant sur les fresques de Würzburg.
On pourra s’interroger sur le spectralisme, étudier la progression de l’œuvre, repérer les rapports entre le piano et l’ensemble instrumental.
Hugues Dufourt étudie le piano à Genève auprès de Louis Hiltbrand, puis la composition auprès de Jacques Guyonnet, avec lequel il collabore au Studio de musique contemporaine de Genève, et qui crée ses premières œuvres.
Agrégé de philosophie, Hugues Dufourt devient, en 1968, responsable de la programmation musicale au théâtre de la Cité à Villeurbanne, sous la direction de Roger Planchon. Il enseigne la philosophie à l’université de Lyon, mais participe aussi aux activités de l’ensemble L’Itinéraire et fonde en 1977 le Collectif de recherche instrumentale et de synthèse sonore, avec Alain Bancquart et Tristan Murail.
Il est dès lors considéré comme un compositeur de premier plan, dont les œuvres sont créées par les acteurs importants de la musique contemporaine. Les Percussions de Strasbourg créent Erewhon (1977), Peter Eötvös dirige Saturne et Pierre Boulez L’Heure des traces (Scala de Milan, 1986).
Chargé de recherche (1973-1985), puis directeur de recherche au CNRS (depuis 1985), il poursuit sa carrière de compositeur. Son opéra Dédale est créé en 1995 à l’Opéra de Lyon. Pour l’orchestre, il compose le cycle Les Hivers, La Maison du sourd, pour flûte et orchestre, d’après Goya (1999), et Lucifer selon Pollock, pour orchestre (2001).
Œuvre séléctionnée : Inharmonies, pour chœur mixte à 24 voix
Durée : 7'54
Année de composition : 2008
Création : 3 novembre 2008 à Paris, dans le cadre du Festival d'Automne, par Accentus sous la direction de Laurence Equilbey
Enregistrement : 6 juin 2009, à Rouen, Opéra de Rouen Haute-Normandie, par Accentus sous la direction de Laurence Equilbey
Disque : Inharmonies
Label : Naïve ( V 5217)
Plage : n°2
Partition : Éditions Durand-Salabert-Eschig
Commande de l'Opéra de Rouen Haute-Normandie et Accentus/Naïve
Avec le soutien de MFA, FCM et Mécénat Musical Société Générale
Inharmonies, pour chœur mixte à 24 voix, a été inspiré par une requête de Laurence Equilbey, chef du chœur Accentus. Elle souhaitait des conseils pour la fabrication d’un diapason électronique capable de donner des « la » de fréquences variées. Cela donna au compositeur l’idée d’écrire une pièce pour chœur suivant un procédé d’inharmonicité, la modulation en anneaux. Il s’agit d’ajouter et de soustraire une fréquence à un ensemble. Ce procédé que l’on peut réaliser par des moyens électroniques mais aussi vocaux ou instrumentaux, altère la couleur sonore. Le texte est une transformation de la célèbre formule de Léonard de Vinci « L’arte e cosa mentale ». Ici, « arte » est remplacé par « musica ».
L’audition d’Inharmonies sera l’occasion de réfléchir à la structure du son, et au rapport entre l’acoustique et la musique.
Philippe Manoury commence l’étude de la musique à l’âge de 9 ans. Très vite, il compose en autodidacte. Il suit des études de piano avec Pierre Sancan, d’harmonie et de contrepoint à l’École normale de musique de Paris. Au début des années 70, il s’engage définitivement dans la voie de la composition sur les conseils de Gérard Condé qui l’introduit auprès de Max Deutsch à l’École normale de musique de Paris. Il étudie ensuite la composition également auprès de Michel Philippot et Ivo Malec au Conservatoire de Paris, où il suit aussi la classe d’analyse de Claude Ballif. En 1975, il entreprend des études de composition musicale assistée par ordinateur avec Pierre Barbaud. Plus tard, il sera responsable de la pédagogie à l’Ensemble intercontemporain, enseignera au Conservatoire de Lyon, sera en résidence auprès de l’Orchestre de Paris. Il réside aux États-Unis où il enseigne à l’Université de San Diego (Californie). Les œuvres de Karlheinz Stockhausen, Pierre Boulez et Iannis Xenakis forment ses premières références. Pour lui, l’acte de composition consiste à mettre en œuvre des capacités de transformation, tant du matériau musical que de la perception.
Depuis une trentaine d’années, il approfondit ce sillon. Certaines de ses œuvres sont devenues des classiques contemporains et constituent des références (Jupiter, Pluton, Saturne, La Partition du Ciel et de l’Enfer, Sonus ex machina,Zeitlauf, Sound and Fury). Philippe Manoury est également l’auteur de trois opéras : 60e Parallèle (1998), K (2001), La Frontière (2003), La Nuit de Gutenberg (2011).
Œuvre sélectionnée : Time Stretch (on Gesualdo), pour orchestre
Durée : 15'54
Année de composition : 2055
Création : 20 octobre 2006 à Bamberg (Allemagne), par le Bamberger Symphoniker sous la direction de Jonathan Nott
Disque : Concerto pour deux altos. Time Stretch. Finale
Label : Æon/Outhere (AECD 1102)
Plage : n° 2
Enregistrement : 6 au 10 juillet 2009 à Liège, Salle Philharmonique, par l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège sous la direction de Pascal Rophé
Partition : Éditions Henry Lemoine
Commande de l'Orchestre Symphonique de Bamberg pour le Concours de direction Gustav Mahler, dédiée à Jonathan Nott
Avec le soutien de MFA, Orchestre Philharmonique Royal de Liège et Éditions Henry Lemoine
Time Stretch fut composé en même temps que le Concerto pour deux altos. A l’origine de cette œuvre, un madrigal de Carlo Gesualdo (1560-1613) : S’io non miro, non moro. De cette œuvre expressive et évocatrice mais rattachée à un style passé, le compositeur moderne va extraire une grille harmonique qui sera celle de sa nouvelle création. L’œuvre récente dépend donc de l’œuvre ancienne, lui est complètement liée, mais l’auditeur ne se rend pas vraiment compte de cette intégration, d’autant moins qu’aucune référence explicite n’est faite au langage de la Renaissance. Il ne s’agit pas d’un pastiche.
Il sera intéressant d’écouter le madrigal-source et d’envisager les différents rapports possibles entre un compositeur et le passé.
Après avoir remporté cinq premiers prix au Conservatoire de Paris et participé au cursus d’informatique musicale de l’Ircam, Bruno Mantovani débute une carrière internationale. Fidèle à ses interprètes de prédilection, il collabore avec de prestigieux solistes et de grands orchestres et reçoit plusieurs distinctions dans des concours internationaux et de nombreuses récompenses pour ses enregistrements. Depuis 1999, il a souvent été en résidence, notamment à la villa Médicis à Rome et auprès de grands orchestres. Le festival Musica lui a consacré un portrait en 2006.
Il débute à partir de 2010 une collaboration régulière avec l’Opéra de Paris (le ballet Siddharta pour la première saison, l’opéra Anna Akhmatova en mars 2011 et un Concerto pour violon pour Renaud Capuçon et Philippe Jordan en mars 2012). Passionné par les relations entre la musique et les autres formes d’expression artistique, il collabore avec des romanciers, des librettistes, des cuisiniers, des chorégraphes, un cinéaste. Son travail questionne régulièrement l’histoire de la musique occidentale ou les répertoires populaires (jazz, musiques orientales). Il est aussi chef d’orchestre, et dirige régulièrement des ensembles de musique contemporaine ainsi que les orchestres de Lille et du Capitole de Toulouse. Il débute cette saison avec l’Orchestre national de Lyon et l’Orchestre de Paris.
Parmi ses projets, des cantates pour l’Orchestre national de France et l’Orchestre de la SWR, un quintette pour le quatuor Ebène et Antoine Tamestit ainsi que plusieurs ouvrages orchestraux (notamment des concertos).
Bruno Mantovani est directeur du Conservatoire de Paris depuis septembre 2010.